Histoire

Le nom de la paroisse puis de la commune de St Germain n'est sans doute pas étranger au passage de l'apôtre Morvandeau sur l'une des multiples voies antiques qui sillonnent la région. La commune s'honore même de posséder entre autres sites la "villa" des Chagnats, que l'imagination populaire transforma en "château des Chagnats", dans les bois à la limite avec Island. Fouillée par le Comte de Chastellux en 1838, elle livra une mosaïque à décor marin qui ornait encore en 1900 l'une des salles du château de Chastellux et que les descendants du Comte confirent récemment au Musée d'Avallon. On en sauva 9m2, de style des ateliers autunois; 18 pièces fouillées révélèrent 20 squelettes et de nombreux objets témoins d'une destruction violente au IIIème siècle. D'autres fouilles furent menées en 1500 par le curé archéologue François Tissier; en 1904, il sauva de la destruction le tumulus des Chagnis, en patois "le toumolu", dont une partie avait servi en 1874 empierrer les chemins; il y identifia 25 sépultures. Son collègue Parat situait quant à lui St Germain au moins 15 "villae" et une tuilerie.

Connue dès 1147, l'église St Germain fut foudroyée le 1er février 1812, à cinq heures du matin. L'édifice original disparut entre I86O et 1869? une chapelle St Franchi, protecteur du bétail, y attestait de l'importance de l'élevage dans la paroisse. Conservé, l'ancien clocher dominant le transept devint clocher porche. La nef disparue forma un jardinet clos qu'une croix bornait l'ouest. La nouvelle nef est dans le goût de I863? Morlon note que "l'église est nouvellement restaure et l'emploi du ciment dans une proportion norme; les murs extérieurs des habitations en sont tous recouverts" aussi. Au revers du tympan de la nouvelle entre, une plaque rappelle la bénédiction intervenue le 5 février 1872l les donateurs sont P.J.B. Morot, de Lautreville, et son épouse M.-C. Petitier, ainsi que Achille Houdaille, Le curé Pion reçut cette occasion Mgr Bernadou, archevêque de Sens,et Mgr Forcade, évêque de Nevers, ainsi que 21 confrères des paroisses voisines. La contrée est pieuse: un recensement non exhaustif fait apparaître près de 25 croix champêtres.

La commune est administrée en 1900 par Médéric Devoir qui eut pour adjoints successifs André Carré, Lazare Dizien et Félix Commaille. Le Curé est alors Tissier qui succède à Labbé, archéologue comme lui et qui alla ensuite à Quarré. C'est lui qui en 1920 inaugure avec le Maire Auguste Bernard, le monument aux morts dans l'église, tandis qu'un monument civil vint occuper une partie du foirail ; la commune avait 56 tués

L'église neuve a été bâtie sur les plans du curé Pion et de l'architecte avallonnais Baudoin; la première tranche de travaux s'acheva le 6 juillet 1868 ; la voûte ancienne s'étant écroulée en 1869, il fallut reprendre tout l'édifice jusqu'en 1872, en le ramenant de 30 à 28m, en l'élargissant de 6 à 14,5m par adjonction de bas-côtés. La maison Gesta, de Toulouse, fournit des vitraux. Dès 1817, le Comte de Chastellux avait offert un tableau représentant le patron de la paroisse On récupéra aussi les cloches dont une de 1686 fondue par J.C1, Capitain.

Des pratiques superstitieuses nombreuses firent St Germain la réputation d'un bourg pour le moins arriéré: en 1887, une famille du hameau du Meix, dsireuse d'empcher un mariage, alla consulter encore le sorcier de Dun, qui conclut un sort et accusa un marchand de vins du bourg D(izien) Charles et un épicier de Cousin, S, Il ordonna de tuer un mouton noir, non sans réclamer pour honoraires I00f. S'étonnera-t-on si le sortilège ne tomba point ? Plus anodine mais relevant du même état d'esprit était la pratique consistant a répandre les tisons de Noël dans les tas de blé pour en éloigner rats et charançons.

Un des hauts lieux de cette religion populaire est la roche Ste Diétrine, près du hameau de Vaupitre. Au XVIIème siècle vivaient là en communauté cinq familles. Le mot pourrait d'ailleurs désigner le "val de la pierre" Le rocher en question est un bloc granitique de 4m de long, excavé à sa face supérieure sur 3m , 0,40 de large et 0,25 de profondeur, formant un bassin naturel qui retient près de cent litres d'eau. La "sainte" passe pour guérir des "diètres", autrement dit des dartres et maladies de peau. On y venait encore en 1660. La "sainte" passait pour être enfermée dans la roche pour fuir un chasseur trop pressant. Le malade utilisait l'eau ou y trempait un linge en accompagnant le rite de 9 pater et 9 ave. Le toponyme local "rêche" joue d'ailleurs sur l'ambiguité : il peut désigner les rochers de Ste Diétrine ou la maladie de la "teigne". En 1907 on se souvenait de guérisons : Catherine Drahin, femme Commaille, Jean, fils de Thomas Lairaudat, Barbier, du village voisin de Menades... On laissait aussi une piécette de monnaie que les pauvres ne se faisaient pas faute de venir ramasser.

Située à une altitude moyenne de 397m, la commune est forte de 1240 habitants en 1900 mais connut en 1846 une pointe 1337. Elle couvre 3592 ha. dont un quart en bois au moins. Elle ne comporte pas moins de 17 écarts reliés par des chemins creux ou "sâvées" au bourg et à la route Vézelay-Quarré après 1826-1846. Dès 1807 il y eut un pont permanent permettant de joindre Marigny par Montigny.

Vers 1900, l'enseignement était assuré au bourg par M. VOISENAT et Mlles Chevillard et Gillet. Mais il existait depuis 1844 une école de Soeurs de la Providence, appelées là par l'Abbé François Léger Cullin. Elles venaient de Ligny. En 1900 Soeur Marie Maugis tient cette école dans des bâtiments de 1859, tandis que l'école publique abritant aussi la mairie fut refaite en 1863. Quant à la poste, en 1901, elle est aux mains de M. Ricthère et du facteur rural Brizard, tandis que Mme Ricthère tient le bureau télégraphique.

Au bourg, les commerces sont nombreux : une dizaine de cabarets et auberges; quatre épiceries dont celle des Pierrat qui débitait aussi des étoffes. Bachelin et Rappeneau, marchands de bois faisaient vivre indirectement dix charrons et maréchaux: Colas Chauvin, également sous-lieutenant de pompiers, F. Girardot, Foin, Lairaudat, Soupault fils... Et le tabac de Louis Piérat.

Trois foires rythment l'année en I856 : 10 mars, 26 mai et 26 août; elles seront six en 1900 avec le 20 février, le 29 septembre et le 15 décembre. Elles ne sont pas anciennes mais sont l'occasion pour les hameaux de se donner quelque unité. On échange des bestiaux. St Germain compte deux marchands de boeufs, Edme Lairauriat et Robert, et trois marchands de cachons, Ed.Gaudin, César Lairaudat et J Thurion, également cabaretiers.

Dans ce pays d'eau, de bois et de bocage, les boeufs sont de première importance. Les chemins creux et embourbés ne les effraient point. Vers 1900 retentissait sous bois le "Tià !" vigoureux qui les pressait d'avancer. Chacun avait son nom caractéristique: Corbin, Ram, Camus, Chape, Barr, Jauneau...

Un sol pauvre et humide alterne avec des chaumes à moutons désertes. Le géologue identifiera des granits, granulites, gneiss gros cristaux, un peu de porphyre, des tourbières dans les crots. Une carrière de granit porphyroïde fut même ouverte au N.E. du pays. On exploita aussi des silex, des jaspes et un peu de barytine. Des nids de kaolin restèrent inexploitables. L'humidité est favorable à certaines cultures : on pouvait "aiger" c'est--dire rouir le chanvre. Il y eut de vaines tentatives d'acclimatation de la vigne vers Lingoult ; en 1963 il restait 31 ares à destination familiale. On utilisait les genêts coupés en couverture ou, palissés entre des rouettes, en cloisons. La souche ou "tancau" fournirait le matériau de renouvellement deux ou trois ans plus tard. En 1900 se multiplièrent les couvertures d'ardoise ou de tuile aux dépens des chaumes traditionnels qui ne subsistèrent que sur les annexes. On les renouvelait tous les 20 ans et il fallait de nombreux couvreurs : J. Boussard à Montigny, Gabas à Lingoult. E. Colin au Meix, Redoul à Montigny...

Parsemée d'étangs, la région favorisait le flottage. Il fallait activer et régulariser les lancers par d'importants lâchers d'eau. Parat identifia jusqu' 26 retenues. Il en reste une en 1900. Un hameau s'est développé sur ses bords, cité dès 1348 mais développé surtout après I8IO, L'étang faisait fonctionner un moulin à farine sur la chaussée rétablie en I8IO par les Chastellux. A côté T. Barrey moud en 1900 navette et noix pour son huilerie. C'est l'industrie locale avec la scierie vapeur de M. Daviot, Quant au moulin de LINGOULT, cité dès 1408. il suscita en 1900 l'engouement des photographes tentés par le curieux profil des rochers reflétés dans le bief : la momie...

Railly est un hameau centré sur le château reconstruit en 1759, et marqué par la présence de la famille Houdaille depuis 1806 avec Léonard Houdaille. Un Houdaille fut Maire et Conseiller Général sous le Second Empire. Une tragédie atteignit la famille en 1860 : Achille Houdaille fut tué à la chasse dans les bois de la Bouchoise où une croix commémore l'événement. Le château, enrichi de deux tours et d'un corps de logis, domine les gorges de la Cure qu'un pont en pierre à deux arches permet de franchir depuis I8IO. Le barrage du Crescent modifia le paysage en créant une retenue dont la queue vient battre les basses prairies de Railly. L'ensemble accueillit M. Terrus et le laboratoire des premiers studios Eclair.

Parmi les hameaux, Le Meix tire son nom d'une ancienne forteresse dépendant des Chastellux et dont subsistait en 1863 une vieille porte et quelques fossés. L'habitat archaïque couvert de chaumes explique les nombreux incendies signalés tout au long du XIXème siècle : en 1847 à Vilaines, aux Chasses par accident, ou la suite d'un coup de foudre. A Lautreville enfin, où existait anciennement un Hospice de la Madeleine, sur les chemins antiques et médiévaux, la famille Morot accueillit en 1793 un prêtre réfractaire, Biaise Bégon, curé de Quarré, recherché par la Garde Nationale et qui mourut là en 1795. L'Abbé Henry lui fit ériger en 1826 un monument en marbre noir.